JUSRÉ 1.0
Depuis des années, je dis que je veux écrire un livre … mais je n’en ai jamais eu le temps.
Jusqu’à ce qu’Ilse insiste pour qu’une section blog soit créée sur notre nouveau site web … L’idée a commencé à mûrir et, pour la première fois depuis (bien trop) longtemps, j’ai écrit quelques pages. Et il faut le dire, je n’ai pas envie d’en rester là ! Le livre arrivera un jour, mais il sera fictif.
La naissance de JusRé, elle, est bien réelle. La société a été fondée en juin 2016, quelques semaines après que j’aie remis ma démission chez Unilin, où je travaillais en tant que Purchase Manager depuis 6 ans. L’équipe venait de doubler après la reprise par Mohawk (le groupe au-dessus d’Unilin) et la question s’est donc posée : « Ai-je un intérêt à rester 6 mois de plus à mi-temps et à rédiger des factures en tant que consultante ? ». Mon rêve me tendait les bras : je pouvais rentrer à la maison et me présenter devant mon mari la conscience tranquille, j’avais la moitié de la semaine pour continuer à développer ma start-up et je pouvais facturer pour ma société JusRé où un petit capital de départ s’était développé.
Mon parcours commence à la KULeuven, en sciences politiques et sociales. Mes parents, juriste et économiste convaincus, n’ont jamais été très enthousiastes concernant mon choix initial. Ils ont été ravis d’apprendre que je souhaitais faire un Master complémentaire à l’École Supérieure du Commerce. Durant cette année, j’avais six jours de cours par mois à Lille. Le reste du temps était consacré aux stages. Ces douze mois difficiles m’ont appris à travailler et à être polyvalente. Entre toutes les études de cas et les travaux de groupe, j’ai eu la chance d’effectuer un stage de six mois chez Ferrero, pour la marque Kinder Chocolat, suivi d’un stage de six mois au sein du groupe Carrefour à Bruxelles.
Je recommanderai ces stages à mes enfants. En effet, bien qu’intensifs et enrichissants, ils m’ont aussi permis de savoir ce qui me plaisait ou non dans un emploi ou dans une entreprise : j’ai une mentalité de leader, j’aime travailler en équipe, j’aime comprendre les choses, mais je ne souhaite pas utiliser ces connaissances en tant que spécialiste.
C’est ainsi que j’ai commencé à postuler pour des emplois ciblés. J’ai décroché mon premier « vrai » emploi chez Compass Group à Bruxelles, une grande entreprise de restauration, où j’ai travaillé pendant trois ans en tant qu’Acheteuse. Puis, je suis passée chez Unilin après être revenue en Flandre-Occidentale. Dans un environnement de pleine production, j’ai développé un vif intérêt pour l’aspect technique des machines et l’importance d’un flux productif dans les projets de grande envergure. C’était la suite idéale de ce que j’avais appris à Compass.
J’y ai débuté en tant qu’Acheteuse et ai été impliquée dans la réalisation de nombreux projets dès les premières étapes en ce qui concerne les besoins éventuels en matières premières. Mon patron de l’époque, Francky, insistait sur l’importance de la compréhension du fonctionnement des machines. Je m’entendais bien avec les ingénieurs techniques, avec lesquels je rendais souvent visite aux fournisseurs. Les nombreux opérateurs de machines de cette immense usine appréciaient mes visites et mes questions ! J’adorais mon travail, mes collègues, l’équipe, les projets et les innombrables possibilités qu’une grande entreprise a à offrir.
Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Je savais que je suivrais un jour ma propre voie. J’ai beaucoup voyagé pour Unilin, des petits rendez-vous dans le Nord de la France aux voyages lointains à Taiwan. J’aime également voyager en dehors du travail. J’ai remarqué la mode des jus et j’ai ramené des recettes à la maison, que j’ai réalisées pour toutes les personnes qui franchissaient notre seuil, mais surtout pour moi. Petite fille, je parlais déjà de « l’appel du corps ». La nourriture a toujours occupé une place centrale dans ma vie et, même à l’époque, je croyais déjà aux bienfaits nutritifs des aliments, et plus particulièrement des fruits, des légumes et des herbes. Cela ne veut pas dire que je ne fais jamais aucun écart, mais une alimentation saine est pour moi indispensable pour se sentir bien dans sa peau !
Un jour, mon mari m’a dit : « Val, ces jus sont tellement bons et tu y consacres tellement de temps ! C’est ton nouveau projet ? » Depuis plusieurs semaines cette idée s’était imposée à moi, je me suis alors plongée dans ce qui est devenu un nouveau projet. Comment pouvais-je concocter une recette de jus de fruits et de légumes qui dure plus que quelques heures ? Les fruits fermentent rapidement, il fallait donc trouver une solution. Si vous pressez les fruits et que vous laissez le jus reposer pendant quelques heures, vous avez déjà perdu la majorité des vitamines. Tous nos efforts seraient réduits à néant. Je recherchais moi-même un mode de vie actif depuis des années, et je voulais offrir aux personnes qui menaient la même vie une alternative saine. J’ai également vu une opportunité dans le monde du sport, où la demande de produits apportant une valeur ajoutée est importante. De plus, je croyais fermement à la montée en puissance de petits commerces solides et de qualité. Les gérants sont sélectifs : vous vous retrouvez face à une foule de producteurs proposant des produits semblables aux vôtres. Ces produits seront les représentants de la marque et diffuseront son message au grand public. Mon cœur battait la chamade !
Je voulais un jus de très haute qualité. Sa valeur nutritive devait être maximale. Vous ne pouvez obtenir un tel résultat qu’avec le « cold pressing », littéralement le pressage à froid. Imaginez deux plaques massives, orientées verticalement, qui se rapprochent doucement l’une de l’autre. Grâce à la lenteur du mouvement, aucune chaleur n’est créée et le processus d’oxydation reste très limité : deux conditions essentielles à l’obtention d’un jus de qualité. Nous étions alors à la mi-2016, et c’est toujours la manière la plus saine de presser des fruits à ce jour.
Grâce à la pression à froid, j’ai obtenu un jus qui pouvait être conservé pendant deux à quatre jours (selon la recette ~ pH). La Belgique est un petit pays : les distances à parcourir sont plus courtes, mais le marché est également plus petit que celui de nos pays voisins. Ce n’était pas encore gagné. Si je voulais un produit rentable, sa durée de conservation devait être plus longue pour que je puisse livrer une fois par semaine ou toutes les deux semaines. J’ai donc commencé à observer les machines, une activité que je connaissais très bien. J’ai découvert la pasteurisation et la flash-pasteurisation et j’ai pu mettre à profit les connaissances techniques que j’avais acquises en travaillant chez Unilin. Problème : la (flash) pasteurisation ruinait la qualité du jus obtenu par pression à froid. En effet, en chauffant le liquide, on perdait une grande partie de sa valeur nutritive. La couleur du jus changeait également : il fallait donc ajouter des colorants. Le goût était dénaturé, ce qui nécessitait l’ajout d’exhausteurs de goût. Mon idée initiale de jus purement naturel était en train de s’effondrer.
Convaincue de trouver une solution, j’ai effectué des recherches et je suis tombée sur le HPP. À l’époque, cette technique de traitement à haute pression était utilisée dans le secteur de la poissonnerie pour le traitement des homards. Les résultats obtenus avec les jus de fruits se sont avérés très positifs. Ce procédé consiste à traiter le jus (après avoir réuni tous les ingrédients) sous haute pression. Imaginez un bassin de la taille d’une table à manger normale. Celui-ci contient un tube dans lequel sont placées les bouteilles remplies de la recette finale. Le tube est pressurisé à environ 6 000 bars pendant une minute (plus ou moins longtemps, selon la valeur du pH [degré d’acidité]).
De cette façon, nous pouvons atteindre une durée de conservation d’au moins 28 jours sans ajouter d’exhausteurs de goût ni de colorants. Les fruits et légumes gardent leur couleur originale et le goût reste naturel. J’avais enfin mon jus et je pouvais commencer à le proposer sur le marché. Le premier JusRé était né. Le nom vient de « Jus » pour jus de fruits et « Ré » pour tous les mots en « Ré » : Ré-freshing, Ré-booting, Ré-hydrating, etc. Et, bien sûr, pour mes deux premiers enfants, Jules et Renée 😊
La première recette était un jus de pomme aux feuilles de menthe. Très frais, sucré et d’une couleur vert clair. Nous étions à la fin de l’été 2016. J’ai donc apporté 50 échantillons à un certain nombre de bars de plage pour les faire goûter. Le lendemain, je pouvais déjà revenir avec une plus grosse livraison. Pour moi, c’est à partir de là que JusRé a réellement commencé à fonctionner. Le 19 octobre 2016, le premier vrai lot de production a été lancé et a été vendu chez une dizaine de mes premiers clients. Entre-temps, les bars de plage avaient rangé leurs transats pour l’hiver. Mais dans chacune des grandes villes de Flandre, JusRé avait un client dans le secteur que je visais : traiteur, boulangerie fine, lunch-bar haut de gamme, magasin spécialisé, etc. C’est ainsi que tout a commencé. Au cours de ces trois années, nous avons mis au point de nouvelles recettes, mais je n’ai plus jamais réussi à retirer le Time Off de notre gamme, sa saveur me rappelle ces belles années.
Le secteur de la vente au détail s’est révélé très précieux. Je connais le nom de tous mes premiers clients et je me rappelle la manière dont je les ai approchés, de leur accueil enthousiaste et de mes premières livraisons. Toutes ces personnes, qui ont cru en mon histoire et qui ont pris le temps de me soutenir, ont également contribué au développement de JusRé. Mes amies, qui n’avaient le droit de boire que du JusRé à l’époque 😊, ont véritablement soutenu ma start-up. Je leur serai toujours infiniment reconnaissante !!!
Anecdote : peu de temps après les débuts de JusRé, une magasinière de l’entreprise où je louais des réfrigérateurs à l’époque surveillait ce que je faisais : il me restait au moins une demi-palette de jus de fruits avec une date de péremption proche et j’allais les apporter à la banque alimentaire. Elle m’a dit : « tu vas devoir arrêter ça, ma fille, ça ne marchera jamais … ». J’ai dégluti. Mais j’ai appris qu’en rassemblant plusieurs petites commandes, on peut y arriver ! J’ai parcouru la Belgique d’un bout à l’autre avec des échantillons juste pour satisfaire le client et faire connaître mes produits, je suis allée dans toutes les communes rurales de Flandre-Occidentale pour faire des dégustations jusqu’à ce que je rédige des factures jusqu’à 4 h du matin.
Entre-temps, je suis également tombée enceinte de notre troisième enfant. J’ai beaucoup de volonté et de persévérance, mais je ne pouvais plus continuer comme ça. Quelqu’un devait m’aider. Or, je ne gagnais encore assez pour me verser un salaire. Comment engager une personne compétente, capable de résoudre des problèmes, d’apporter un soutien à la société et d’introduire une professionnalisation nécessaire et une numérisation indispensable à notre succès ? C’est ainsi que j’ai atterri à l’Agence pour l’innovation et l’entrepreneuriat. Grâce à leur subvention, j’ai pu engager Ilse à la mi-2018. Les graines que j’avais semées un an et demi auparavant pouvaient enfin être récoltées.
Au cours de la même période, les choses se sont accélérées. Nous avons mis en place une structure et pris les mesures nécessaires pour continuer à nous développer et entamer le chapitre suivant. En 2018, nous avions une cinquantaine de clients B2B réguliers et notre boutique en ligne fonctionnait bien. Nous constations que nos actions portaient leurs fruits. Nous travaillions toutes les deux à domicile. Je travaillais surtout depuis le réfrigérateur et le reste du temps, j’étais sur la route. Nous avions besoin d’un lieu de travail fixe pour éviter de nous appeler 25 fois par jour. Work in progress.
Nous nous sommes installées dans le bureau JusRé, mais pas seulement. Grâce au profit réalisé en 2018, nous avons acheté un camion frigorifique. Jusque-là, nous externalisions la logistique, mais cette décision a très rapidement permis d’offrir un service de meilleure qualité aux clients !
Ces dix premiers clients en 2016 sont passés à 200 en 2020. Les personnes qui accordent de l’importance à leur santé veulent un produit sain et savoureux. Nous en sommes fiers ! La boutique en ligne s’est également développée ; chaque semaine, nous livrions 50 à 70 boîtes aux domiciles de particuliers. Il s’agit d’une communauté qui porte la marque JusRé ; ce sont des personnes actives qui veulent remplir leur réfrigérateur de produits sains jour après jour de manière pratique. Souvent, les clients ont envie d’acheter nos produits après en avoir entendu parler par un ami, un collègue, une belle-sœur ou un beau- frère.
L’année 2020 s’avère prometteuse ; nous avons doublé notre chiffre d’affaires en janvier par rapport à l’année précédente. Cela s’explique par une plus grande notoriété de la marque, une rotation plus élevée par point de vente et une augmentation des commandes sur la boutique en ligne. En outre, nous nous concentrons également, depuis la mi-2019, sur la mise en place d’un système d’abonnements pour les entreprises qui souhaitent offrir des alternatives plus saines à leurs employés. Ces abonnements permettent des rentrées régulières, qui soutiendront ces quatre salaires. Je recule rarement devant un obstacle. Je garde toujours le sourire en cas d’échec, mais ces salaires sont une responsabilité que je dois assumer. Les employés doivent être heureux de travailler pour JusRé. Ils travaillent dur et j’espère qu’ils resteront tous à bord, car leurs profils nous sont très précieux. Je dois donc aussi être capable de leur accorder le salaire qu’ils méritent. Pour être en mesure de les payer, nous devons continuer à nous développer au cours de cet exercice financier.
Nous l’attendons avec impatience !
Amicalement xxx